Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

19% UN HIVER A PARIS

le timbre de sa voix et les cadences de son débit m'ont trop rappelé la façon dont il jouait dernièrement le rôle de Fénelon, dans la tragédie de Chénier.

Au Théâtre Louvois, on vient de donner fort bien : Guerre ouverte (1); Clozel y a été parfait. Quelques actes comme : Le fat puni (2), vieille pièce d’intrigue, et une production nouvelle : Une heure d'absence (3), ne m'ont paru remarquables ni par le jeu des acteurs, ni par l’invention des dramaturges. Mais au Théâtre Feydeau j'ai de nouveau joui de quelques auditions qui ont réalisé pour moi l'idéal scénique. Je ne me rassasie pas d'entendre Adolphe et Clara (4); à chaque audition nouvelle, la troupe, Mme Saint-Aubin en tête, me semble meilleure. Le Calife de Bagdad (3), autre charmant opéra-comique, a mis merveilleusement en relief le jeu et la voix d’Elleviou et le talent délicat de Mme Dugazon. Au Grand Opéra notre Flûte enchantée : les Mystères d’Isis — ou, comme on dit plaisamment, les Mystères d’ici — sont décidément devenus une caricature de l'original entre les mains de Morel. Le mélange de romanesque et de bouffon, qui donne tant de piquant au texte original, est transformé en drame sérieux et ridicule. Même dans le rôle de Papagéno, le côté comique

(1) Guerre ouverte, ou Ruse contre ruse, comédie en trois actes, par Dumaniant, représentée pour la première fois au Théâtre du Palais-Royal en 1786.

(2) Le fat puni, comédie en un acte, en prose, par Ferriol de Pont de Veyle, représentée aux Français en 1738; pièce tirée du conte de La Fontaine, le Faucon.

(3) Une heure d'absence, comédie en un acte, en prose, de Loraux aîné et Picard, représentée pour la première fois le 2 octobre 1801.

(4) Adolphe et Clara, opéra-comique en un acte, paroles de Marsollier, musique de Dalayrac.

(5) L’opéra qui a fondé la réputation de Boïeldieu en 1799 : plus de sept cents représentations ont constaté son succès sans exemple. — Paroles de Saint-Just (Godart d'Aucourt, dit de), à qui l’on doit aussi le libretto de Jean de Paris,