Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

SOUS LE CGONSULAT. 203

les derniers. Mme Cabarrus venait de reconduire jusqu’à la porte du salon sa dernière invitée avec la grâce animée et naturelle qu’elle avait déployée pendant toute la soirée, quand elle revint à nous paraissant ne plus pouvoir se traîner; elle s’affaissa dans un fauteuil, la tête renversée contre le dossier, soupirant d’une voix presque éteinte : « Je n’en puis plus, je suis morte! » Je me trouvais près d'elle avec Tourton ; dans ma simplicité, je lui demandai naïvement si elle se sentait indisposée. Elle se redressa comme poussée par un ressort : « Ce n’est pas ça, monsieur », dit-elle en souriant. Puis s’adressant à Tourton, avec le même sourire : « Mon assemblée était bien nombreuse, n'est-ce pas ? » C’est en effet là l’unique préoccupation des gens qui reçoivent : entasser le plus de monde possible dans son salon, sans se soucier de savoir si l’on causera, si la place sera suffisante, si l’on n’étouffera pas!

L’appartement de Mme Cabarrus consiste en un vaste salon et une grande chambre à coucher, suivie d’un boudoir; il a été suffisant pour les soixante-dix à quatrevingts personnes qui s’y sont trouvées réunies.

Le magnifique lit en ébène de la chambre à coucher est d'un style différent et plus sévère que celui de Mme Récamier. Comme celui-ci, il est décoré de jolis bronzes dorés. Mais le ciel de lit, très ample et très élevé, ayant la forme d’une tente ronde, est soutenu par le bec d’un pélican doré, — une forme importée d'Égypte; — les rideaux, en satin blanc et cramoisi, garnis de franges dorées, retombent en larges plis jusqu’au parquet. Toute la pièce est décorée de jolis bas-reliefs.

Je ne vous dirai qu’un mot des toilettes et des coiffures, et ce mot se bornera à Mme Cabarrus : ses magnifiques cheveux noirs, arrangés en larges tresses, étaient en-