Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

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Le ton moqueur est abandonné pour formuler une déclaration contre le divorce : « Un suicide brillant et une belle lettre en faveur du divorce n’étonneront pas dans la bizarre contexture de ce roman; cela y est sans conséquence. Mais ce qu'il y a de remarquable, c’est que le divorce y est conseillé à un homme qui estime sa femme, qui n’a aucune raison de se plaindre d'elle, et par l’unique raison qu'il sera plus heureux avec une autre! » En conclusion, il est notifié à Mme de Staël que, quoi qu’il advienne, elle n’a rien de bon à attendre de son œuvre. En supposant qu'elle n’ait pas de succès, l'écrivain ne pourra échapper aux reproches que tout lecteur sérieux se croira fondé à lui adresser. Aura-t-elle au contraire du succès ? C’est Mme de Staël elle-même qui devra se faire des reproches plus graves; car, tout son roman n’est qu’un commentaire de la maxime « du laissez dire qui mène au laissez faire ». Si Villeterque peut enseigner à nos critiques allemands la façon « d'exécuter proprement » un écrivain, l'abbé Geoffroy, des Débats, leur apprendra comment on procède, quand l’on ne veut rien dire d’un livre, mais ressusciter et augmenter, à son occasion, « l’histoire scandaleuse » de l’auteur mis sur la sellette. En réalité, l'abbé ne parle de Delphine qu’à l’occasion des passages heurtant le catholicisme. Il ne veut pas savoir que l’auteur est une protestante, écrivant en pays protestant où le divorce est autorisé par la loi civile et religieuse. Le rédacteur agressif des Débats, si complaisant à ramasser les anecdotes perfides, est dépassé en méchanceté par les femmes auteurs qui, depuis huit jours, inondent les salons de leurs billets envenimés. Elles écrivent confidentiellement qu’elles ont entendu, de leurs oreilles, le Premier Consul dire, à l’un des « cercles » de sa femme : « J'espère que les amis de Mme de Staël l’ont avisée de ne