Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

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pas tourné un feuillet de Delphine; mais on assure qu'il se fait lire régulièrement le Journal des Débats ; et Geoffroy sait insister, avec une pesanteur toute cléricale, sur un côté du roman qui ne saurait manquer d’éveiller l’attention du Premier Consul, très préoccupé, comme l’on sait, de remettre en honneur le culte catholique. Il y à une autre circonstance aggravante à l'encontre de Delphine : Mme Bonaparte ne peut ignorer les bruits répandus au sujet de son divorce possible et d’un mariage négocié entre le Premier Consul et une princesse allemande. Elle doit être excédée de ces rumeurs, et a là un motif tout personnel de détester un livre que son mari n'aime pas pour des raisons d’un ordre différent.

Une amie de Mme de Staël, qui ne partage pas toutes ses idées, mais qui est à même de donner un bon conseil, avait demandé la communication préalable des épreuves, afin de mettre à profit, avant le tirage, les impressions qu’elle aurait pu recueillir en haut lieu. Non seulement Mme de Staël a décliné la proposition, mais elle à commis l’imprudence d'écrire à ses amis qu’elle attendrait, pour revenir à Paris, d’être bien édifiée sur l'effet produit par son livre, notamment par les passages dans lesquels elle touche à la religion catholique et au divorce. — C’est ainsi du moins que les choses ont été rapportées aux Tuileries. On y a donc été mis en garde, à l'avance, et l’on a dû s’attendre à des attaques plus vives qu’elles ne le sont en réalité. Mme de Staël traite en effet la question du divorce à peu près comme fait le nouveau code français, et ses contradicteurs sont les mêmes que ceux contre lesquels l’orateur officiel a dû déployer son éloquence et son énergie pour faire passer les articles du code réglant cette matière.

En ce qui concerne les portraits qui se trouvent ou