Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

212 UN HIVER A PARIS

des reproches d’immoralité , d'hostilité au catholicisme, de complaisance pour le divorce, et rappelle, à ce propos, que Montesquieu a déjà dit : « Le divorce a une grande utilité publique. » Il la disculpe aussi d’un grief que Jui font beaucoup de gens sérieux d'avoir prétendu que l'amour seul fait le bonheur du mariage. Sans doute l'amour procure le plus grand bonheur possible dans le mariage, mais l’accomplissement du devoir peut également devenir une source de félicité. Mme de Staël a montré, dans le caractère de Mme de Cerlebe, qu'une femme de sentiments délicats, unie à un époux peu aimable, peut avoir de véritables satisfactions, en se vouant aux devoirs paisibles du foyer.

Après celte revue des critiques suscitées par Delphine, je veux vous confier mon impression personnelle. Sa lecture m'a causé un plaisir très vif; j'y vois les résultats d’une observation profonde et d’une grande expérience de la vie, présentés dans un langage énergique, abondant et plein d’élévation. La première moitié du roman est écrite et composée avec un soin et une perfection qui ne se rencontrent plus souvent chez les éerivains français contemporains. Dans la seconde partie, la matière commence à s’épuiser ; il aurait fallu mettre alors en œuvre toutes les ressources de la poésie pour soutenir et surexciter l'intérêt; mais l’auteur faiblit, et le dénouement ne satisfait pas. Peut-être reprocherais-je aussi à Mme de Staël d’avoir introduit de force dans le développement d’une thèse morale trop de considérations et de vues particulières sur les personnes el même sur les idées de la Révolution française.

Il est surprenant que la police parisienne, si active d'habitude, n’ait pas réussi à arrêter la propagation d’un ouvrage annoncé, et dont on se méfiait. Lorsqu'elle s’est