Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

220 . UN HIVER A PARIS

auprès de son oncle, l'ancien grand maitre de Malte.

Vers le matin, comme je me lassais d’étouffer et que je n’arrivais pas à persuader à l'ami qui m’avail amené dans sa voiture de partir, je me trouve face à face avec l'alerte petit antiquaire Millin; je ne l'avais pas aperçu de la soirée. « Que cherchez-vous? demandai-je. — Quelqu’un que je dois remmener. — Je serai ce quelqu'un, si vous voulez! — Convenu! » réplique-t-il, et nous nous dirigeons vers la porte. Tout à coup, il se rappelle qu'on va exécuter une danse espagnole. « Il faut voir encore cette danse ! » dit-il, et, tournant les talons, il m’entraîne vers le salon où se formait déjà un cercle, au milieu duquel une assez vilaine petite personne faisait claquer ses castagnettes. [IL fallut du temps avant que tout fût organisé; l'orchestre devait jouer un accompagnement qu’il ne connaissait pas ; on ne savait où placer les cahiers de musique. Enfin, tout a fini par s'arranger : afin de rester au premier rang des spectateurs, nous avons prêté, Millin et moi, nos épaules auxquelles les musiciens ont accroché leurs cahiers, et la danseuse s’est fort bien tirée de son boléro. Il était trois heures quand nous nous sommes retirés; jé me demande comment on à pu servir le souper chaud dans un salon encore si encombré.

J'ai eu plus d'agrément à un très beau bal donné dernièrement par le marquis Lucchesini.

C’était en quelque sorte une double soirée : la première moitié, de dix heures à minuit, a été réservée à la jeunesse. Une vingtaine de couples, formés par des jeunes filles et des adolescents de douze à seize ans, parés avec infiniment de goût et de jolie tournure pour la plupart, ont déployé autant de grâce que d’aplomb.

La jeunesse s’est assise, pour souper, autour de deux grandes tables rondes, dressées dans une pièce attenante ;