Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

SOUS LE GONSULAT. 291

alors seulement le beau monde s’est mis en branle; c'était la fine fleur de l'élégance étrangère et parisienne. La reine de la colonie étrangère a été la fille de la princesse de Courlande, qui est mariée à un Rohan; son mari n’était pas là (1). Elle avait avec elle une jeune Rohan, non moins belle.

Pour la première fois, depuis que je suis revenu à Paris, j'ai vu danser des anglaises et des écossaises ; on n’a même guère dansé autre chose, probablement à cause des étrangers qui formaient la grande majorité de la société.

Le souper a été servi après deux heures du matin, et, à la suite, trois jeunes personnes ont dansé une gavotte d’une façon charmante; les valses ont suivi avec beaucoup d'animation.

J'avais, le même soir, une invitation pour le Bal des étrangers. Un banquier de mes amis me l’avait procurée, et je m'étais proposé de passer une heure dans cette réunion, afin de voir comment elle était composée et organisée, Mais le bal de Lucchesini était si attrayant que je n’ai pas su me décider à partir à temps.

Puisque j’en suis au chapitre du grand monde, je le termine en vous apprenant que notre envoyé m'a présenté chez le troisième consul Lebrun, qui m'a invité à ses assemblées (2). Lebrun n’est plus jeune; c’est un grand blond, de corpulence assez forte, dont la person-

(1) Son mari était le prince Louis-Victor de Rohan-Mériadec, émigré, au service de l'Autriche depuis 4797, qui revint en France en 1814. Sa femme divorça une première fois, pour épouser un prince Troubetzkoï; une seconde fois, pour s'unir à un comte de Schulenbourg.

(2) Lebrun résidait dans l’ancien hôtel de Noailles, rue SaintHonoré .