Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

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expertise faite, et je recommande surtout les gelées de fruits ; elles sont de qualité supérieure.

Vous vous doutez que les confiseurs se sont emparés du portrait de Bonaparte. Ils l'ont reproduit de toutes les grandeurs et enjolivé de tous les encadrements imaginables ; la ressemblance est en général saisie ; au reste, vous jugerez par vous-même des chefs-d’œuvre de la confiserie française. Je vous en expédie divers spécimens, et je joins à mon envoi des étrennes que vous apprécierez mieux sans doute : une collection de poètes français, imprimée suivant le nouveau procédé stéréotype de Herhan (1). Comme beauté des caractères, elle surpasse l'édition donnée par Didot en 1797, et ne coûte guère davantage. J'ai eu l’occasion de visiter la typographie de Herhan, dont la capacité et le zèle sont libéralement secondés par notre savant compatriote Schlaberndorf. Je ne doute pas que les efforts de ces hommes, remarqua-

(1) Herhan (Louis-Étienne), imprimeur et fondeur de caractères, né à Paris en 1768, employé à la fabrication des assignats, avait inventé, dès 1798, un procédé de stéréotypage : il réussit, en 1801, à établir des matrices paginaires, planches mères à caractères mobiles en creux; mais som procédé coûteux avait peine à se vulgariser. C'est alors que le comte de Schlaberndorf, fixé à Paris depuis le commencement de la Révolution, lui vint en aide de sa bourse et de ses conseils; Herhan a donné quelques belles éditions des classiques français. Associé pendant un certain temps aux Didot, il est mort, en 1834, à l'hospice des Petits-Ménages. Deux Alsaciens, Hoffmann et Reinhard, — il est fait mention de ce dernier dans un appendice aux Lettres de Reichardt, — peuvent aussi avoir des droits à l'invention ou aux perfectionnements de la stéréotypie : le premier, fils d'un stettmeister (magistrat) de Haguenau, passionné pour l'imprimerie, avait inventé un procédé qu'il appelait polytypage. Vers 4775, il obtint un brevet à Paris, revint à Strasbourg, en 1791, ayant perdu sa fortune dans ses essais, et céda son affaire pour six mille francs et une pension viagère dont il a joui peu de temps. Le second, né à Huningue, s’occupa principalement de typogravure pour la musique, ses premières impressions datent de 1793; il prit un brevet pour quinze ans en 1801.