Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

SOUS LE CONSULAT. 229

moral de Ehomme, je note une fine remarque : « Cet ouvrage peut être donné pour étrennes à ceux qui croient que le 1* janvier pourrait bien avoir un lendemain, mais que la vie n’en a pas. »

Venant aux anciens, le critique comble d’éloges le Commentaire de Génisset (1) sur les Églogues de Virgile, et la nouvelle édition de l’Homère de Bitaubé : « L’Homère de M. Bitaubé, dit-il, est l’'Homère d'Homère méme; il n’eût pas mieux traduit son immortel ouvrage (2). »

Les modernes ne sont pas maltraités : les OEurres de M. Boufflers, dont je crois vous avoir parlé, font l’objet de la recommandation la plus bienveillante.

Passant à une traduction des œuvres de notre aimable conteur Auguste Lafontaine (3), le journaliste le prend sur un ton pathétique :

« Bons pères, dit-il, mères de famille! vous qui le soir, au coin du feu, aimez à lire des romans qui laissent quelques idées morales dans la tête de vos enfants ; vous qui voulez être émus, attendris sans être étonnés, fatigués par ces romans à la mode, pleins de fausse sensibilité, de faux esprit et de fausse morale, lisez ceux d’Auguste Lafontaine, traduits par Mme de Montolieu (4), entre

(1) Génisset, protégé par le prince de Poix, avait eu un emploi dans la marine qu'il perdit à la Révolution; employé à la Sûreté générale sous la Convention, entra dans l’enseignement vers 1802 et devint professeur à la Faculté des lettres de Dijon, en 1818. Le titre de son livre est : Examen oratoire des églogues de Virgile, à l'usage des lycées et autres écoles de la République.

(2) La traduction de Bitaubé peut être exacte, mais ne rend d’aucune façon le ton homérique.

(3) La Fontaine (Auguste, 1756-1833), d’une famille de calvinistes réfugiés, fécond romancier; ses œuvres s'inspirant d'une saine morale valent mieux par les détails que par la conception.

(4) Baronne Isabelle de Montolieu, née Polier de Bottens, originaire de Lausanne; morte dans sa ville natale, en 1832. Ses Tableaux de famille, traduits de La Fontaine, ont eu de la vogue.