Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

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autres celui qu’elle vient de publier tout récemment : le Village de Lobestein, ou le Nouvel Enfant trouvé. »

Les Récits de Mme de Genlis, les romans « très moraux » — je dirais très populaires — de Ducray-Duminil (1), reçoivent aussi leur grain d’encens.

A la fin de sa revue, le collaborateur de Ræœderer se félicite de constater que, s’il est moins question de réimprimer Diderot, Fréret, Helvétius, on se remet à éditer Bossuet et Fénelon : « Puisse l’année qui s’avance finir ce que l’autre a si bien commencé », dit l'écrivain en posant la plume.

Un incident curieux de ces premiers jours de l’année est la profusion de grossières chansons ou complaintes poissardes, encadrées de dégoûtantes illustrations, que l'on offre à tous les coins de rue, avec une insistance insupportable. Les Parisiens n’en paraissent ni choqués ni surpris ; j'ai vu des gens de l’extérieur le plus convenable, de l'air le plus posé, empocher sans sourciller des poignées de ces feuillets immondes.

Les gens qui ont sacrifié à l’usage, en arpentant la ville pour remettre leur carte, ont du moins joui d’un temps doux et humide. Je ne me souviens pas avoir vu à Berlin un premier de lan semblable ; chez nous, il fait toujours un froid rigoureux à cette époque, de la neige et de la gelée. Profitant de la température, ceux des riverains de la Seine qui ont une résidence champêtre à proximité se sont empressés d'aller y passer les fêtes. Pareille fantaisie serait irréalisable pour nous; ici, elle a été non seulement favorisée par le temps, mais facilitée par les routes pavées qui rayonnent autour de la capitale : sur ce pavé, un cabriolet emporte aisément toute une

(4) Ducray-Duminil (1761-1819) cumulait la composition des romans avec la rédaction des Petites Affiches.