Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

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famille. La mise en circulation de ce genre de véhicules, commodes et peu dispendieux, est réellement une heureuse innovation. On trouve les cabriolets, concurremment avec les fiacres, sur la voie publique; on les prend à l'heure ou à la course, et je préfère le cabriolet, propre, bien attelé, ayant un cocher présentable, aux fiacres montrant encore à leurs portières les armoiries des anciens maîtres, souvent très élégants d'aspect, mais conduits généralement par des automédons à mines patibulaires. Un autre avantage du cabriolet est que, grâce à la vitesse de son allure, il pénètre, comme un équipage particulier, dans la cour des hôtels. Impitoyable pour les fiacres, le suisse ne distingue pas facilement le petit numéro de la légère voiture à deux roues et la laisse entrer. Je ne me suis cependant pas risqué à aller en cabriolet aux réceptions officielles; la garde est trop nombreuse et trop attentive.

Me voilà quitte, pour le moment, avec l’année commençante. Il me reste à liquider un arriéré de soirées de 1802; vous verrez qu’elles n’ont pas été perdues.

En premier lieu, très agréable dîner chez le sénateur Barthélemy. Je m'y suis retrouvé en pays de connaissances, au milieu d’émigrés que je fréquentais à Hambourg, il y a peu d'années. D'abord, le banquier (1), frère du sénateur; ces messieurs font maison commune; puis les deux comtes de Caraman (2), aimables et dignes

(4) La banque Barthélemy-Duchesne et C* se trouvait rue du MontBlanc (plus tard chaussée d’Antin), n° 409 du quartier de la place Vendôme.

(2) Il y avait alors, à Paris, trois représentants de la famille Riquet de Caraman : le pêre, le marquis, ancien maréchal de camp, revenu d'émigration en 1800, habitant son hôtel rue Saint-Dominique; son fils puiné, comte Maurice, ancien major aux chasseurs de Picardie, marié: son troisième fils, François-Joseph-Philippe, qui devint le mari de Mme Tallien, en 1805, et qui hérita, la même