Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

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costume. C’est le ministre le plus généralement considéré. On dit que son département, dans lequel les sangsues financières avaient antérieurement toute licence, est devenu la branche de l’administration la plus intègre. Le bon ordre qu’il a su y introduire est du reste prouvé par le fait, presque invraisemblable, que l’arriéré des dépenses civiles et militaires est liquidé; le budget de la marine serait seul en souffrance; on s'occupe activement de l’équilibrer. Sans doute le gouvernement ne recule devant aucune mesure pour activer la rentrée des impôts, que l’on tend d’ailleurs à augmenter incessamment, en recourant aux procédés subtils qu’a su inventer le fise anglais, et l’on pratique l'exécution manu militari contre les petits aussi bien que contre les gros débiteurs du trésor. C’est là une conséquence inévitable d’une situation, héritage onéreux du Directoire et de la Convention. Mais j'estime que les agissements fiscaux actuels ne doivent pas sembler extraordinaires dans un pays où, depuis des siècles, le gouvernement a coutume de pressurer le public, sans autre règle que le «bon plaisir ».

Le collègue de Gaudin, Barbé-Marbois, avait une mise bizarre : son grand et maigre individu, assez ravagé par les ans, était vêtu d’un habit de velours rouge d’une ampleur exceptionnelle et bordé de fourrure blanche; gilet, culottes de satin blanc brodé d’or, bas de soie blancs, souliers à boucles, épée, cheveux taillés en rond.

Parmi les généraux présents, Lecourbe et Macdonald m'ont frappé par leur prestance et leur jeunesse relative (1). La physionomie de Lecourbe offre un mélange de bonhomie et d’audace, de finesse et de jovialité; Macdonald a l'air d’un Anglais grave et froid. Leurs

(4) Lecourbe, né en 1759, avait quarante-trois ans; Macdonald, né en 1765, avait trente-sept ans,