Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

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fa première partie des représentations théâtrales. Les étrangers riches et les membres du corps diplomatique s'associent d'habitude pour louer des loges dans les principaux théâtres, — la dépense est d’un millier de louis par an. — Ils s’arrangent ensuite pour choisir les représentations suivant leurs convenances particulières. Mais les gens forcés, comme moi, de payer cher et chaque fois une bonne place, et qui tiennent à leurs aises, — un spectacle où je suis mal assis perd tout son charme, doivent arriver avant le lever du rideau.

On se plaint dans le monde de ne savoir que faire de son temps, après la sortie du théâtre, c’est-à-dire passé minuit, quand on n’a pas une invitation devers soi. Pour moi, il ne me déplaira nullement de finir ma soirée au coin de mon feu, en petit comité, ou même seul avec mes pensées. En m'en tenant à mon programme, j'aurai, de onze heures du matin à cinq ou six heures du soir, le temps de voir et de revoir ce qui vaut la peine d’être vu dans Paris.

Parmi les visites que j'ai reçues. ces jours-ci, quelques mots sur celles de Paisiello, Gossec, Chérubini, Lalande et Caïllard.

Paisiello (1), que j'avais vu pour la dernière fois à Naples, il y a douze ans, n’a pas positivement vieilli ; mais il a pris du corps et de la carrure. Comme il est de

(4) On peut comparer, au Louvre, le croquis esquissé par Reichardt avec le portrait de Paisiello peint par Mme V. Lebrun en 1791, pendant qu'elle séjournait à Naples.

La préférence de Bonaparte pour Paisiello datait de 1797. Cette année même, le général en chef de l’armée d'Italie avait mis au concours une marche funèbre en l’honneur de Hoche; Chérubini et Paisiello s'étaient trouvés en concurrence, et le général avait décidé en faveur du dernier, bien que, au dire des connaisseurs, l’auteur de Nina eût été sensiblement inférieur à celui de Médéa dans la circonstance .