Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

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suffit. » Sur cette déclaration, la dispute a naturellement pris fin. Personne ne se permet un mot contre le gouvernement, dès que l’on se trouve en présence d’un homme qui prend son parti ou qui passe pour être son partisan ; Laplace est considéré comme un de ses porte-parole avoués.

Au nombre des convives, on comptait plusieurs professeurs du Collège dé France : le physicien Lefèvre (1), Lacosta (2) et d’autres. En qualité de directeur, Lalande loge dans les bâtiments du collège; son repas était donné à l’occasion de la réouverture des cours, à la fin des trois mois de vacances annuelles. Après le dîner, mon hôte n'a fait assister, à ses côtés, à la séance de réouverture, dans la salle affectée à ces solennités. On a fait plusieurs lectures ; elles ne m’ont pas toutes semblé parfaitement appropriées à une assistance très mélangée. Pour commencer, M. Lefèvre a lu, au nom d’un M. Bouctot absent, un Mémoire sur la torture. L'auteur prétend que les nations les plus civilisées conservent ce vestige d’esclavage romain, et il a cité, comme preuve à l'appui, les Suisses, que nous, Allemands, nous ne considérons pas précisément comme « très éclairés ». La conclusion avait pour objet de glorifier la Constitution française qui aurait aboli la torture. Personne n’ignore cependant que cette abolition date de Louis XVI (3).

(1) Lefebvre-Gineau, professeur de mécanique, destitué en 1897, à cause de ses opinions. Investi de fonctions municipales à Paris pendant la Révolution, il les avait exercées avec une modération qui lui valut d'assez sérieux ennuis de la part des territoristes.

(2) Lacosta ne figure pas sur la liste des professeurs donnée dans l'Histoire du Collège de France de M. Lefranc. (Paris, 1893.) — Cette liste ne mentionne, il est vrai, que les suppléants parvenus au professorat ; c'est peut-être le cas pour Lacosta.

(3) La question préparatoire, pratiquée dans le cours des procès pour crimes capitaux, a été abolie le 24 août 1780. La question