Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

SOUS LE CONSULAT. 31

Un jeune savant, qui m'a paru un esprit distingué, M. Biot (1), a communiqué un court fragment d’une Histoire des sciences pendant la Révolution. Il a été beaucoup plus question, dans son fragment, de leur histoire avant la Révolution. Fortement pensé et bien écrit, ce morceau m’a séduit par l'absence de flatteries à l'adresse du gouvernement. Le fait est à noter aujourd’hui, dans une circonstance officielle.

Un vieux M. Cournand (2), professeur de littérature au collège, a débité une épître en vers, mi-didactique, misatirique. sur les Avantages de la poésie. Quelques traits heureux n’ont pas compensé l'ennui d’une prolixité fastidieuse. L'helléniste Gail (3) a donné lecture d’une médiocre

préalable, pour obtenir l’aveu du crime avant l'exécution, a été supprimée en 1788.

(4) Biot, âgé de vingt-trois ans, débutait dans la carrière où il s’est illustré jusqu'en 1862. Son Essai sur l’histoire générale des sciences a paru en 1803.

(2) L'abbé Cournand avait été, en 1792, promoteur, au club de Saint-Étienne du Mont, d'une motion en faveur du mariage des prêtres. Conséquent avec sa doctrine, il épousa la fille d'un citoyen Dufresne, obscur violoniste. Si l’orthodoxie de Cournand est discutable, beaucoup de gens ont nié, comme Reichardt, son talent poétique. À propos de son Épitre, l'un le régale de ce compliment :

Cournand veut que les vers Aient pour nous de l’attrait; Nous aimons tous les vers, Excepté ceux qu'il fait!

Un autre, au défi d'écrire en vers de deux syllabes, lui répond par ces rimes malséantes :

Cet homme Si grand, Qu'on nomme Cournand, M'assonme!

Enfin, Luce de Lancival décoche cette triple épigramme :

Laharpe sait, dit-on, le latin .… à peu près, Comme Gail sait le grec et Cournand le français !

(3) J.-B. Gail, dont l'érudition a été contestée par P.-L. Courier et d’autres hellénistes.