Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

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y faisait jadis, pendant la semaine sainte, a été rétablie; mais le défilé d’équipages et de promeneurs à singulièrement perdu de son éclat : si la foule ne manque pas, on compte les beaux équipages et les chevaux fringants. Le luxe des voitures n’a pas repris; déjà l’ancien Paris était éclipsé, à cet égard, par Londres, où il paraît que ce luxe a encore augmenté, depuis mon dernier voyage en Angleterre. Comme le Premier Consul, sa famille et son entourage ne devaient pas paraître à Longchamps, le beau monde parisien avait jugé bon de s’abstenir : en fait de grands équipages et de toilettes brillantes, je n'ai aperçu que des carrossées anglaises ou russes. J’ai passé l'après-midi à contempler le défilé, installé avec quelques compatriotes dans une guinguette du haut des ChampsÉlysées. Il était plus amusant de regarder passer le torrent que de nous mêler à la multitude, à peine maintenue par de nombreux gendarmes à cheval.

Le soir, l'Opéra me ménageait une surprise agréable. Depuis quelque temps on parlait d’une nouveauté : l’exéeution et la mise en scène avec toute la pompe théâtrale d’un oratorio religieux; la plupart des amateurs n’auguraient rien de bon de cette tentative. La défiance a gagné le public ; lorsque je suis entré dans la salle, je n’ai aperçu que des spectateurs non payants : danseurs et danseuses du ballet, chanteurs, compositeurs, musiciens, élèves du Conservatoire, en un mot, tout ce qui se rattache à l'Opéra. Bien que la famille du Premier Consul eût été annoncée, le beau monde, sur qui l’on comptait pour une audition solennelle, était à peine représenté.

Le spectacle avait pour titre « Saül »; la trame dramatique m'a paru insignifiante; la partition était un assemblage de morceaux d’opéras, d’opérettes, de cantates, de messes, d’oratorios, pris dans dix auteurs de valeur et de