Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

SOUS LE CONSULAT. - 475

caractères différents. Mais l'exécution musicale, les décors, les costumes, les pantomimes, les danses, n’ont rien laissé à désirer. Les morceaux de chant, choisis sans aucun rapport avec le sujet, se sont trouvés des plus favorables à la voix des artistes; ils ont chanté — et non crié — exceptionnellement bien pour l'Opéra. La musique des chœurs avait été arrangée par notre bon Kalkbrenner (1); les choristes, bien entraînés et vivement dirigés, les ont rendus avec un ensemble imposant; la mise en scène était grandiose et pittoresque ; choristes et danseurs ont contribué de leur mieux à la faire valoir. C’est un autre musicien allemand, Lachnit (2), qui a écrit les paroles en collaboration avec le directeur Morel; il avait déjà prêté son concours à Morel pour travestir, comme vous savez, la Flûte enchantée en Mystères d'Isis.

Le succès de ce pastiche hétéroclite, son impression sur l'assistance m'ont démontré, une fois de plus, qu'au théâtre — du moins pour nous modernes — il s’agit beaucoup plus de savoir comment on joue, que de s’occuper de ce que l’on joue; il faut frapper par les yeux, sans se préoccuper d’émouvoir par l'intelligence. Je n'aurais jamais pensé que la vieille combinaison italienne de l’oratorio primitif, si brillamment transformée par Haendel en Angleterre, fût susceptible de produire un pareil effet.

(1) Kalkbrenner (Chrétien), né à Minden (Hanovre) en 1755, mort fin 1803, compositeur, critique musical, auteur de plusieurs opéras français, venu de Naples à Paris en 1799, pour occuper l'emploi de chef du chant à l'Opéra. Père du pianiste et célèbre professeur Frédéric-Guillaume Kalkbrenner.

(2) Lachnit, originaire de Prague, bon instrumentiste comme les Bohêmes en général, venu à Paris en 1773, était remarquable par son talent sur le cor. Sa santé l'ayant obligé à renoncer à cet instrument, il se consacra à la composition et au professorat de clavecin. I] a écrit trois opéras-comiques et un grand opéra qui n'ont pas été représentés.