Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

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l’accuse de retarder les débuts d’une belle personne, son élève, dont elle vante les dispositions.

Comme autrefois, les acteurs se sont permis d’omettre ou de modifier des vers. Voltaire, malgré son énergie, n’a jamais réussi à supprimer cet abus impertinent, bien qu'il eût soin d'effacer, d’après l’avis de ses amis, ce qui aurait pu blesser les oreilles du public ou choquer les habitudes des acteurs.

S'il m'avait été possible d'oublier l’admirable OEdipe de Sophocle, je crois que cette représentation du ThéâtreFrançais m’eût fait goûter la tragédie de Voltaire mieux que ne l’a jamais fait la lecture. En général, c’est cependant à la scène que ses pièces me font l'impression la moins vive. À l’occasion d’OEdipe, les journaux sont pleins d’anecdotes sur la jeunesse de Voltaire ; ils ne lui ménagent pas les critiques. Son nom est devenu une pierre d’achoppement, un prétexte à invectives et à disputes. Je vous parlerai un jour de cette guerre de plumes; aujourd’hui, il faut épuiser ma chronique théâtrale. Une gracieuseté de la direction de l'Opéra, qui m'a gratifié, dans les termes les plus aimables, d’une des meilleures places de la salle, en m’envoyant une Colère d'Achille, poème de Lemercier, pour en écrire la partition, m'a décidé à retourner à ce théâtre. J'ai voulu entendre de nouveau le Tamerlan de Winter, et l’écouter avec une attention scrupuleuse : mon impression a été pire que la première fois! Laïs a bien chanté quelques cavatines composées spécialement pour lui; quant au reste de la troupe, mieux vaudrait n’en rien dire ! Néanmoins, comme me taire absolument à ce sujet pourrait me faire taxer de partialité et de jalousie, — reproche je tiens à éviter, — je m'explique.