Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

52 UN HIVER À PARIS

Je suis convaincu que le compositeur qui écrit, comme Winter, pour le trois chanteurs de l'Opéra chargés des rôles principaux, Tamerlan, Seyda. Mocktar, se heurte à une difficulté à peu près insurmontable et qui est de nature à détruire l’effet de toute partition. Mlle Maillard (1) n'ayant de belles notes que dans le registre inférieur, Winter a dû chercher à les utiliser et il y a réussi. Adrien (2) — Tamerlan — n’est pas, à proprement dire, une basse profonde, mais plutôt un baryton sans grand volume; pour lui, le compositeur à été forcé de rester dans les notes élevées. La conséquence est que cantatrice et basse empiètent, chacun de son côté, sur le domaine du ténor Laïs, qui se rapproche lui-même du baryton : le chant des trois rôles se trouve donc généralement limité à l’intervalle d’une octave. Il est facile de comprendre luniformité et la monotonie qui en résultent pour un opéra, et de deviner combien les éclats de voix subits de la première chanteuse, cherchant à provoquer les applaudissements dans les passages à sensation, doivent blesser une oreille délicate. Mile Maillard atteint le comble de ses explosionsirritantes dans l’opéra Hécube (3)

(4) Thérèse Davoux, dite Mlle Maillard, avait débuté dans le ballet. Elle parut comme chanteuse, en 1782, à l’Académie royale de musique; la beauté de son organe, sa taille imposante, la noblesse et l'énergie de son expression dramatique lui ont assuré, jusqu’en 1813, la faveur du public. Les critiques d’un partisan, peut-être outré du bel Canto, ne sauraient ôter un mérite réel à cette cantatrice.

(2) Adrien, chanteur énergique, a été victime de la déclamation lyrique en honneur à l’époque. Il ne pui résister, malgré une constitution des plus robustes, à des cris perpétuels et abandonna la scène en 4804, pour devenir chef de chant, sans renoncer à une méthode qu'il a trop propagée.

(3) Héeube, tragédie lyrique en trois actes, par Milcent et Granges de Fontenelle, compositeur né à Villeneuve-d'Agen (1769). L'œuvre contient de remarquables passages. Mais les réminiscences, qu'on ne peut nier, justifiaient à certains égards cette plaisanterie, colportée à l’époque : « Si les paroles sont mil-cent, la musique est de