Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

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de la Sainte-Cécile, dans l’église Saint-Gervais. L'entrée était payante : les places réservées du chœur devant le grand autel, gardées par des sentinelles, coûtaient trois livres; l'entrée simple, une livre. L’orchestre placé sur une estrade latérale à bien marché; mais la musique exécutée était fort médiocre. L’organiste Couperin (1). dont on faisait d'avance grand fracas, a touché l'orgue : Vinstrument est aussi misérable que l’exécutant! Un organiste de cet acabit ne devrait pas s’appeler Couperin; le nom rappelle trop un glorieux passé musical et devient particulièrement agaçant, lorsqu'on est aussi attrapé que je l'ai été. Pendant la bénédiction et la distribution du pain bénit, — six immenses brioches, — Couperin a joué des motifs choisis en dépit du sens commun.

La grand’messe a été célébrée avec solennité. L’autel était entouré d’une haïe de grenadiers qui, à l'élévation, ont mis, au commandement, genou en terre. Pendant l'office, les sentinelles qui gardaient les places réservées nous surveillaient de si près qu'il était impossible de se lever, de se retourner, de dire un mot à haute voix, sans

2 2 être rappelé à l’ordre par un grenadier.

Incident à noter pendant cette cérémonie : un agent de police se fraye sans façon son chemin, à travers le cordon de sentinelles et les rangs pressés des assistants, de sa messe de 1802 est conservé à cet Institut. Roze a composé, pour le sacre de Napoléon, un motet dont le finale s’est chanté, sous l'Empire, à toutes les solennités officielles.

(1) Couperin (Gervais) était le dernier rejeton mâle d’une famille originaire de Chaumes en Brie, qui s’est illustrée, durant près de deux siècles, dans la musique. Organiste et compositeur médiocre, il bénéficiait de la réputation de deux de ses aïeux: François Couperin dit le Grand (1668-1733), encore apprécié aujourd’hui pour ses jolis morceaux de clavecin, et Armand Couperin (1721-1789), organiste d'un talent d'exécution supérieur. Gervais Conperin est mort

vers 1816. La place d’organiste de l’église Saint-Gervais a été héréditaire dans cette famille pendant près de deux cents ans.