Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

VI

26 novembre.

Durant la semaine qui vient de s’écouler le répertoire du Grand Opéra m'a fort occupé.

Le premier soir, on donnait Iphigénie en Aulide de Gluck et le grand ballet Psyché; le second, Afceste, suivi d’un ballet très couru, la Dansomanie.

Quelle impression profonde m’a de nouveau causée ladmirable musique d’Iphigénie! Si je n’ai plus ressenti le ravissement extatique qui m'ôtait tout sang-froid, il y a seize ou dix-sept ans, aux représentations magistrales de ce chef-d'œuvre, cette fois, j’ai pu me rendre compte posément de l’incomparable mérite du premier acte.

Sans atteindre au grand style, une jeune cantatrice Mlle Cholet (1), si je ne me trompe, — a chanté avec expression, d’une voix fraiche et bien timbrée, la partie d’Iphigénie. En revanche, Laynez a dépassé toutes les bornes dans ses cris; je m’étonne de n’avoir pas le tympan brisé. Mile Maillard s’était contenue au début; je m'apprétais même à me réconcilier avec elle, lorsque, vers la fin, elle est retombée dans sa méthode infernale. Et ce n’est qu’alors, hélas! qu’on l’a couverte d’applaudissements. (4) Sa voix est belle; elle a de l'intelligence et du zèle. C’est un talent précieux mais de second ordre, disent les Annales dramatiques.