Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

SOUS LE CONSULAT. 7

le rôle d’Alceste, bien que, pour le geste et l'expression, elle soit sensiblement inférieure à la Saint-Huberty; Laynz a massacré le beau rôle d’Admète. Décidément il ne sera plus question de lui ! La salle était comble, comme aux beaux jours de l’Académie royale de musique. Les chœurs ont été encore meiïlleurs que dans Iphigénie: ils ont chanté avec justesse, force, expression, et sans crier : ces masses chorales, vigoureusement dirigées et habilement groupées, contribuent singulièrement au grand effet de l’ensemble. Mais, pour la première fois au Grand Opéra, j'ai noté des maladresses des machinistes : ils ont brisé plusieurs lustres.

La Dansomanie (1) a été parfaitement exécutée. Voici le sujet : un vieil original, gentilhomme campagnard, qui veut que tout se fasse en chantant dans sa maison, refuse la main de sa fille aux prétendants qui ne dansent pas à son goût. Il finit par l’accorder à l’un des danseurs dont les pirouettes le séduisent. Assez primitif, le sujet est égavé par des incidents d’un comique sans grande prétention. Ainsi un valet maladroit, toujours en mouvement, renverse un service à thé et tandis qu’il supplie son maître furieux de ne le pas le chasser, il lui écrase les orteils. — Un des enfants du vieil original se met à genoux pour le prier d'accorder la main de sa sœur à l'amant de son choix. Pendant cette scène larmoyante, le père n'est occupé qu'à rectifier les attitudes du fils, qu'il ne juge pas conformes aux règles esthétiques. Il ne manque pas d’autres bouffonneries de ce genre. — On peut les trouver monotones, mais le ballet plaît, en somme, au public et se prête au style actuel de la danse, mieux que ne feraient des sujets héroï-tragiques.

(4) Folie-pantomime en deux actes, musique de Méhul; première représentation, 14 juin 1800.