Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

72 .” UN HIVER A PARIS

Le maître du ballet, Gardel, a exécuté un joli solo de violon, suivi d’un charmant pas de trois par Mme Gardel, Miles Chevigny et Colomb. Cette Mlle Colomb passe pour être une bonne actrice de théâtre de société, — ce qui n’est pas un éloge banal à Paris. On voit, d'autre part, de bons comédiens se tirer à leur honneur de certains pas de danse. Ces aptitudes varices que l’on rencontre ici, même chez les seconds sujets, supposent des efforts et une somme de travail extraordinaires. On se demande comment, avec tant de soins donnés aux beaux-arts, la seule musique de chant soit aussi inférieure et les belles voix aussi rares. Il doit y avoir là une cause tenant à la structure de l’organe vocal de la race. Car dans les relations habituelles on constate facilement que les organes francs et sonores font l'exception : les voix sont ou profondes, voilées et sans modulations, ou en fausset et enrouées; de plus le son nasal, si fréquent dans la langue parlée, se retrouve même chez les chanteurs. Le timbre des femmes diffère à peine de celui des hommes; chez les unes, comme les autres, c’est la basse qui domine. Enfin, c’est un hasard d'entendre, ainsi que cela a lieu dans d’autres contrées, cette façon de parler bas qui implique un mouvement spécial du larynx dans l'émission du son. Quand un Français parle bas, le timbre de sa voix ne se modifie pas; il se borne à parler moins fort. Je note qu'au spectacle, lorsque mes voisins me communiquent leurs impressions à l'oreille, ils sont entendus par l'entourage, aussi bien que par moi-même. Peut-être faut-il attribuer une partie de ces particularités au climat humide et variable du nord et de l’ouest de la France et à la crudité du vin nouveau que le peuple boit généralement. Quoi qu'il en soit, laissant à d’autres la solution de ce problème de physiologie ethnographique, je pose en