Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

SOUS LE CONSULAT. FA

promis de nous aboucher ensemble. Pourvu que les questions d'administration intérieure, si encombrantes dans une entreprise comme l'Opéra, ne suscitent pas d'obstacles.

En voilà long sur la musique! Sans quitter cependant le domaine de l'Opéra, je vous dois un mot sur une équipée que j'y ai faite avant-hier.

En sortant de chez le marquis Lucchesini, je m'étais concerté avec quelques invités pour un tour au bal masqué de l'Opéra. Vers deux heures du matin, le public, assez clairsemé, se composait de gens en bottes, en surtouts malpropres, coiffés de chapeaux ronds graisseux. Mes compagnons et moi, nous étions à peu près les seuls en costume de soirée. Quant aux masques, une centaine d'individus des deux sexes, mal nippés, couverts de défroques paraissant tirées des magasins du théâtre, dansaient, pour le plaisir des curieux attroupés, dans un espace réservé devant l'orchestre que l'on recule, à cette occasion, au fond de la scène. Quelques rares danseurs non costumés ont risqué des « françaises ».

La salle, brillamment éclairée, était garnie, du parquet au plafond, d’une élégante décoration de verdure, et les trente musiciens de l'excellent orchestre portaient tous le domino. Les loges sont restées à peu près vides. Comme bal masqué, le « four » a été complet. u

J'abandonne enfin l'Opéra; il me reste mille choses à dire sur d’autres sujets.

Lalande a eu la bonté de m'introduire à une séance de l'Institut national et de me présenter, en ternies beaucoup trop flatteurs, au président, le ministre Chaptal, personnage fort courtois, dont la physionomie, la tournure et les facons rappellent le savant allemand, beaucoup plus qu’elles ne me donnent l’idée d’un homme d'État fran-