Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

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çais. Il est intervenu plusieurs fois dans les discussions pour redresser, avec finesse et précision, des opinions émises par des orateurs trop animés. Car la séance n’a pas eu cette placidité qui distingue nos réunions académiques d’outre-Rhin, pendant lesquelles un membre donne généralement lecture d’une dissertation, tandis que la plupart de ses collègues feuillettent des brochures, lisent des journaux ou bavardent entre eux. A l’ouverture de la séance, le secrétaire Lacroix (L), fort agissant quoique perclus, avait lu le procès-verbal de la réunion précédente. Puis il a présenté les mémoires manuscrits envoyés par des savants étrangers à l’Institut, en faisant connaître les vœux et explications consignés dans leurs lettres d'envoi ; d’autres membres ont fait des présentations semblables. On a discuté les réponses à adresser aux correspondants et il s’est dit, à ce propos, pas mal de choses spirituelles, vives, même piquantes.

Un vieux médecin, le D° Dessessartz (2), fort tranchant dans ses discours, a été ramené plusieurs fois à l’ordre par le président, — très poliment, du reste. Un autre médecin en réputation, le D' Hallé (3), a montré plus de calme et d’urbanité. Parmi les assistants, c’est la personne du fameux Carnot qui m’a le plus frappé. Je me la figurais toute différente de la réalité; elle a pour caractère apparent la finesse et la douceur. Carnot procède doucement en tout; il élève à peine la voix en parlant.

(1) Le Traité du calcul différentiel et intégral, qui a fait la réputation de Lacroix, avait paru en 1797. — On sait quele savant mathématicien était boiteux.

(2) M. Dessessartz (Jean-Charles), très habile praticien, professeur de chirurgie et de pharmacie depuis 1770, doyen de la Faculté en 1786.

(3) D' Hallé (Jean-Noël), né à Paris en 1774. Un des médecins les plus érudits de l'époque, a fait une science de l'hygiène.