Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

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çais. L'une, composée de sujets qui, pour le geste et la déclamation, n’auraient pas été déplacés sur une scène française, jouait bien, mais il manquait à ses représentations un je ne sais quoi dont je ne merendais pas compte. L'autre, avec des acteurs individuellement moins bons, me plaisait mieux. Un soir, me trouvant placé de manière à ne pas voir les jambes des acteurs de la première troupe, je m’aperçus que le défaut qui m'avait choqué disparaissait complètement. En prenant des informations, j'appris que ces comédiens étaient étrangers à l'art de la danse, tandis que les autres, ceux dont j'avais noté l’attitude élégante étaient bons danseurs. Au surplus, à Weimar, où l’on s'occupe sérieusement de l’art théâtral, sous la direction de Gœthe, on a reconnu l'utilité de la danse : elle figure à l’école du théâtre, au même titre que l'escrime.

En sortant de l’Institut, j'ai été assister à un « thé » chez miss Williams (1). D’après les écrits sur la Suisse et la Révolution parus sous son nom, je pensais trouver une femme de caractère et d’un esprit indépendant. Eh bien, jamais je n’ai été témoin d’une pareille affectation sentimentale de langage et de manières ! À première vue, sa coiffure seule a failli me faire reculer. Au milieu d’un groupe de belles Anglaises assez élégantes, elle m'est

(4) Héléna-Maria Williams, née à Londres en 1769, un peu bas bleu dès sa jeunesse, enthousiaste des idées de la Révolution, était venue habiter Paris en 1791. Malgré ses relations avouées avec les Girondins et ses opinions qu’elle imprimait, elle avait écharpé aux proscriptions de la Terreur; elle est morte à Paris, en 1827. S'il faut en croire un factum publié par la police en l’an VIIL, sous le titre Correspondance anglaise, miss Williams servait, à cette époque, d’intermédiaire entre Hyde de Neuville et le comte d'Artois, en s'efforçant de les convaincre de l'existence de Louis XVII. —Son Voyage en Suisse, mentionné dans le texte, est de 1798; ses Leltres sur la Révolution datent de 1795.

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