Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt, стр. 399

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tendre que l’Argus est entre les mains d’une nouvelle rédaction : « On avait trouvé, dit-il, dans les premières feuilles de l'Argus, une virulence peu ménagée et des traits de satire mal dirigés. Ce journal parait avoir changé de main, si lon en juge par les derniers numéros, écrits d’un autre ton, avec plus de mesure et dans un meilleur esprit. Le rédacteur paraît avoir concerté un plan d’attaque contre certains journaux anglais plus particulièrement acharnés à insulter le gouvernement de France. On peut regarder l'Argus comme un corsaire qui se met en course contre les pirates barbaresques. »

Les expressions « meilleur esprit » me paraissent signifier que le nouveau rédacteur — un Français, Barrère, dit-on — jugera les affaires anglaises à un point de vue francais. C’est ce que le gouvernement fait souvent luimême, sans qu'il y dit lieu d’en être très étonné. En général, tout s’apprécie dans ce pays exclusivement au point de vue national. Ainsi, l’on s’est figuré que l'interdiction de la vente de Delphine, édictée par l’Électeur de Saxe, s'étend à l'Allemagne entière; le Journal de Paris s’est même fait l'écho de cette interprétation erronée. On ne connaît aucunement le fonctionnement de notre librairie, commerce d'échange et de commission, qui rayonne de Leipzig sur tous les États allemands. En réalité, l'interdiction ne porte que sur l'échange public du livre à la foire de Leipzig; les expéditions, les commissions ne sont nullement entravées. Les annonces que je relève dans nos gazettes prouvent que les éditions suisses et les traductions allemandes circulent librement.

Les préoccupations diplomatiques qui doivent assailir le Premier Consul n’apportent aucun arrêt à son activité physique. Contrairement à la tradition militaire française, Bonaparte emploie des soldats aux travaux du canal de