Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt, стр. 404

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compléter leurs collections par l’adjonction d'ouvrages nouveaux. Cette activité intellectuelle de lettrés d'élite me semble d'autant plus méritoire, qu’ils ne peuvent nourrir l’espérance de revoir le temps où noblesse et financiers rivalisaient de prévenances envers les hommes de lettres, choyés comme des dieux domestiques. D’Alembert pouvait alors refuser d'aller à Pétershourg jouir auprès de Catherine IT d’une pension de 20,000 roubles. Il préférait rester à Paris, dans un logis modeste, avec un laquais et un habit présentable, assuré de goûter, sans bourse délier, tous les agréments de la haute société.

Les races humaines ne sont pas comme les arbres et les plantes, qui ont des époques fixes de floraisons périodiques ; lorsqu'une catastrophe les a atteintes en plein épanouissement, elles perdent généralement leur fécondité. Il se passe dans le domaine intellectuel ce qui se produit dans le monde matériel après un tremblement de terre qui a bouleversé une contrée. Combien sont rares les hommes qui remarquent alors les effets pittoresques du cataclysme! La foule ne songe qu’à chercher au milieu des décombres ce qui est prosaïquement utile.

Dans les voies nouvelles où sont entrés les Français, ils pourront devenir les meilleurs ingénieurs, les promiers soldats du monde; mais, à moins de changements profonds, l’ère des beaux-arts me paraît fermée chez eux. Sans doute quelques génies dresseront leurs têtes audessus de la foule. Leur grandeur sera celle de la colonne solitaire qui s'élève sur un sol dévasté par la tempête; l'éclat qu'ils projetteront sera comme celui d’un phare qui est plus utile aux étrangers naviguant à distance qu'aux indigènes vivant à son pied. |

Il se crée du reste beaucoup de sociétés en vue de