Variétés révolutionnaires

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jalousies sans nombre. Mais la Saint-Huberty, alliée à la Guimard, la reine de la danse, était en posture de régenter l'Opéra et le comité. Le directeur des menus venait de demander à Marmontel et à Piccini un opéra nouveau, Didon, destiné à être joué à Fontainebleau en l'honneur de Marie-Antoinette. Didon eut un succès éclatant, qui persista à Paris pendant tout l'hiver de 1783-1784. Ce fat le triomphe de la Saint-Huberty. Elle parut sous les traits de la reine de Carthage avec un costume dessiné par Moreau, les cheveux épars, les pieds et les jambes nus ; c'était une véritable révolution dans la mise en scène que la Clairon n'avait jamais osé tenter. Mais les routiniers crièrent au scandale, et le lendemain, par ordre ministériel, Didon dut revenir à la perruque et au maïllot.

Pourtant, plus tyrannique chaque jour, la favorite du public faisait, par exemple engager « par ordre du roi » Saint-Aubin, premier ténor de Lyon, sa conquête d'une heure, au risque de ruiner le théâtre dont Saint-Aubin était l'étoile et l’impresario nécessaire. Encore, si ces satisfactions de vanité avaient pu retenir la prima donna à Paris ! Quand elle avait exigé un congé annuel, ce n'était pas pour se reposer, Mais pour consacrer ses vacances à de fructueuses tournées en province, partant toujours au moment où l'Opéra avait le plus besoin d'elle, à la grande colère de Dauvergne. Et quelles tournées que celles d’où la Saint-Huberty revenait écrasée de fatigue, grisée d'applaudissements, avec cent cou-