Variétés révolutionnaires

198 VARIÉTÉS RÉVOLUTIONNAIRES

« la femme la plus méchante de l'Opéra ». Il est vrai que la chronique scandaleuse, qui ne perd jamais ses droits, insistait surle goût suspect et publiquement affiché de la célèbre chanteuse pour ses camarades la Gavaudan cadette et la Voisin, prêtresses avouées du culte mis à la mode par la Raucourt. Mais vers cette époque la diva avait déjà rencontré l'homme qui devait tenir une si large place dans la seconde partie de sa vie, le comte d’Antraigues. C’est un personnage curieux, qui mérite d'être examiné de près. Louis-Henri de Launay d’Antraigues était né dans le Vivarais, vers 1752. Il tenait par sa mère aux Saint-Priest; mais malgré son titre il paraît s'être appelé tout simplement Delaunai (1). Il aurait emprunté le titre de comte d'Antraigues à un moulin situé au confluent de deux ruisseaux. Par la protection de son oncle maternel Guignard de Saint-Priest, le futur ministre de Louis XVI, le jeune de Launay entra au service; il abandonna bientôt le métier des armes, à la suite d'affaires fâcheuses, disent certains de ses biographes, et se consacra aux lettres. Il vécut à Paris dans le monde élégant, eut force bonnes fortunes grâce à sa belle mine, se lia avec les philosophes, notamment avec J.-J. Rousseau, et devint le vulgarisateur passionné des expériences

(1) Un proverbe patois de l'Ardèche en dit long sur la moralité des Delaunay, et en particulier sur celle du père de notre héros : Couqui coumo Jaquès Delaouné, « coquin comme Jacques Delaunay. »