Vergniaud : 1753-1793

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gardait encore le silence, et cependant, pour hâter ses débuts, pour rendre hommage à sa réputation, on l'avait, dès le 17 octobre, élu Vice-Président. La lettre où il annonce cette élévation due, suivant lui, « à une espèce de hasard qui dirige les élections tant qu’on ne se connaît pas » est précieuse, car elle montre quelle délicatesse absolue, quelle honnêteté scrupuleuse, Vergniaud devait apporter dans l’accomplissement de son mandat. M. Alluaud, créancier de l'État l'avait prié de presser la liquidation de ses comptes etle remboursement de ses avances. Ce n'était point une faveur, c'était un acte de justice. Et Vergniaud répondait : « Je ne vous dissimule point que si le Ministre n’est pas de bonne volonté pour vous, ilme sera impossible de vous être utile par moi-même. Comme je ne veux pas qu’on puisse jamais m'accuser d’avoir eu une opinion qui fut le prix d’une faveur, je me suis fait un devoir de n’en solliciter aucune, quand je parviendrais à acquérir assez de crédit pour en obtenir. Je crois que cette profession de foi doit me rendre encore plus digne de votre estime et de votre amitié. » Vergniaud est toujours resté fidèle à cet engagement et a pu dire plus tard, aux applaudissements unanimes de la Convention qu'il n'avait jamais rien sollicité.

Cependant les progrès de l’émigration n’avaient pu être arrêtés ni par les proclamations de Louis XVI ni par ses lettres, rendues publiques, à ses frères, aux commandants des troupes de terre et aux commandants des ports. L’inutilité de ces invitations, auxquelles on ne daignait même pas répondre, amena l’Assemblée à rechercher et à proposer des mesures plus énergiques. Vergniaud, voulant forcer le roi à sortir de l’équivoque, saisit avec empressement cette