Vergniaud : 1753-1793

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levait et retenait des contributions, et, dans l'Ardèche était apparu un lieutenant-général des princes se disant gouverneur du Bas-Languedoc et des Cévennes pendant la captivité du roi. L’ouest, enfin, commençait à prendre feu.

Tous ces faits révélés à l'Assemblée par un rapport de lacommission des Douze, jetèrentl'épouvante ; pour la première fois, on parla du danger de la patrie, et Vergniaud, prenant, à cette heure solennelle, la cause de la nation contre la royauté, monta gravement à la tribune.

« Son discours, a écrit Michelet, fut comme ces grands fleuves de l'Amérique, larges de plusieurs lieues, qui, à les voir, ont presque l'air d'une mer calme d’eau douce; mettez-y votre barque; elle va comme une flèche, on mesure avec terreur la rapidité du courant; elle va emportée, nul moyen de l'arrêter ; elle glisse, elle file, elle irait à l’abîme, aux cataractes écumantes où la masse des eaux se brise du poids d’une mer. » :

« Quelle est donc, dit l'entrainant orateur, l'étrange position où se trouve l’Assemblée nationale, quelle fatalité nous poursuit ?.…

» Comment se fait-il que ce soit précisément au dernier période de la plus violente crise, et sur les bords du précipice où la nation peut s’engloutir que l'on suspende le mouvement de nos armées? Seraitil vrai qu'on redoute nos triomphes? Est-ce du sang de l’armée de Coblentz ou du nôtre dont on est avare? Si le fanatisme excite des désordres, s’il menace de livrer l'empire au déchirement simultané de la guerre civile et d’une guerre étrangère, quelle est l'intention de ceux qui font rejeter avec une invincible opiniâtreté toutes les lois de répression présentées par

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