Charles de Butré 1724-1805 : un physiocrate tourangeau en Alsace et dans le margraviat de Bade : d'après ses papiers inedits avec de nombreux extraits de sa correspondence...

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un pays célèbre, le berceau des sciences et des arts portés à un point de perfection où jamais notre Europe n’atteindra, pour venir débrouiller le plus affreux chaos qui, je crois, ait existé. C’est la tâche la plus forte que jamais homme ait eu à remplir.

« Si Minerve descendait en terre, elle choisirait une tête et non un conseil; ainsi je ne compte que sur la vôtre. Vous voudrez bien recevoir avec les témoignages de ma gratitude les deux opuseules ci-joints dont l’un contient les détails pour remplir nos jardins de superbes arbres fruitiers, et l’autre l'établissement nécessaire pour en rendre l'instruction publique. Si vous étiez encore en Egypte, j'y joindrais l’ordre religieux, parce que c’est le seul endroit où il y ait eu, il y a 3000 ans, une institution sacerdotale profondément instruite de cet ordre régénératif. Depuis leur destruction, à Rome ancienne et moderne, il n’y a eu que des fanatiques et des scholastiques qui ont entièrement perdu ce grand objet de vue. …

« J'ai planté de ma main plus de cinquante mille arbres fruitiers, et je voudrais pouvoir en couvrir la France, afin qu’on ne vit d’un bout à l’autre qu’un superbe jardin sur cet heureux sol; on pourrait par une riche culture faire vivre 50 millions d'hommes dans l'abondance, pendant que plus de la moitié de 25 millions y ont à peine une grossière subsistance par un labeur forcé. Jouissez, digne citoyen, du seul bonheur que peut goûter une belle âme, celui de pouvoir répandre le bien-être sur une grande nation, par l’assurance de la propriété, le fondement du meilleur des gouvernements. C’est le seul vœu que forme un cœur qui vous est véritablement dévoué. »

Tout en s'occupant ainsi d’horticulture en Alsace et de sciences naturelles avec les savants de Paris, Butré n’avait pourtant pas abandonné toutes ses relations avec le pays de Bade. Nous avons encore une lettre d’un major des gardes,