Charles de Butré 1724-1805 : un physiocrate tourangeau en Alsace et dans le margraviat de Bade : d'après ses papiers inedits avec de nombreux extraits de sa correspondence...

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mondes le véritable âge d’or que nous avons entièrement perdu depuis longtemps.

« C’est pour rappeler cet heureux temps que je n’ai cessé depuis 50 ans de planter des jardins. J'ai donc planté de ma main plus de 50 milliers d'arbres fruitiers, sans les milliers que j'ai procurés pour des plantations que je n'ai pas faites, et après avoir par tant de travaux procuré des millions de tout ce qu’il y a de meilleur en fruits, je n'ai pas aujourd'hui la satisfaction d'en pouvoir cueillir un seul pour me désaltérer et je suis obligé d’aller vivre au milieu des forêts et des montagnes arides et sauvages, pendant que les dévastateurs de la terre trouvent partout l'asile et l’abondance ; c’est un singulier sort.

« Cependant rien ne me fait peine en ceci que de ne pouvoir aller à Ettlingen, y embellir ce séjour pour l’avantage et l'agrément de M. le margrave dont je ne cesserai de vénérer les lumières et l'amour paternel, dont il est pénétré pour les hommes...» °

Comme on s’obstine à faire la sourde oreille à ces sollicitations incessantes, il s’en console en plantant des centaines d’arbustes nouveaux dans son clos canonical, afin de remplacer ceux qu’on lui a volés ou que le froid à fait périr *. Il court la montagne pour se distraire, arrive au Ban-de-la-Roche et y fait la connaissance du vénérable pasteur Oberlin, le législateur et la Providence de ce coin de terre stérile, alors perdu dans les solitudes des Vosges. Il se prend pour lui d’un sincère enthousiasme et lui inspire, en retour, une sympathie véritable *. Entre temps il adresse au conseil de préfecture

1 Lettre du 7 avril 1800.

2? Un bordereau de Crété-Pierrette, à Vitry-sur-Seine, du 5 juillet 1800, porte 150 pommiers, 60 pêchers, 24 cerisiers, etc. Le 29 octobre de la même année, l’horticulteur bien connu de Bollwiller, Baumann, lui expédie également des arbres fruitiers.

3 Il existe, pour témoigner de ces sentiments, un billet de Frédérique