Danton émigré : recherches sur la diplomatie de la République an 1er-1793

178 DANTON ÉMIGRÉ,

« Je suis excessivement attristé des dissensions, des jalousies, des mécontentements et du malaise qui règnent parmi nous, et qui, s'ils continuent, améneront le déshonneur et la ruine de la République. « Je désespère, aujourd'hui, de voir atteindre le grand but de l'affranchissement de l'Europe; et ce qui me fait désespérer, ce n’est pas la coalition des puissances étrangères, ce ne sont pas les intrigues des aristocrates et des prêtres, c'est la maladresse tumultueuse avec laquelle les affaires intérieures de la Révolution sont menées.

« Toutes nos espérances doivent maintenant se restreindre à la” France seule, et j'approuve complètement votre proposition de n'intervenir dans le gouvernement d'aucun pays étranger, et de ne permettre à aucun pays étranger d'intervenir dans le gouvernement de la France; ce décret était un préliminaire nécessaire à la cessation de la guerre (1). »

Il est vrai que l’on n’a pas craint de prétendre, pour rabaisser l’immortel promoteur du gouvernement révolutionnaire et de la guerre de défense, l’émigré de 1791 et de 1793, que cette politique avait été révélée, en quelque sorte, au comité de Salut public, par l'abbé Soulavie, un de ses agents en Suisse, dans une lettre écrite à Robespierre, au temps où celui-ci menait la France (2).

Or, les faits sont là, qui parlent d’eux-mêmes; et, à elle seule, la lettre de Thomas Paine, commentant le discours du 13 avril, conçue dans le même esprit et presque dans les mêmes termes que la note de Soulavie, suffirait à établir la priorité en faveur de Danton.

En effet, l'agent diplomatique disait à l’Incorruptible, mais bien après Thomas Paine et Danton : « Il faut nationaliser la Révolution, ne plus voir que la France, et revenir à la politique traditionnelle du pays. Il faut armer,

(1) Ce document se trouve, comme nous l'avons dit dans la première partie de notre travail, p. 5 et 6, aux Archives nationales. La traduction que nous en donnons ici est celle de M. Taine, dans la Revue critique; mais nous avons mis à la fin de nos Pièces justificatives, no 19, la version française qui est aux Archives, AF 1 49, papiers déposés au comité de Salut public; elle diffère sensiblement de l’autre.

(2) G&. Avenel, Lundis révolutionnaires, p. 21-22,