Danton émigré : recherches sur la diplomatie de la République an 1er-1793

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empreints d’une modération prévoyante. Il lui dit qu’elle devaitse montrer désintéressée en devenant victorieuse, que le territoire de la France suffisait à sa grandeur et au développement futur de son industrie et de sa richesse ; qu'il était de son utilité comme de son honneur de ne rien y ajouter par la conquête ; que toute incorporation de pays serait une cause de péril pour elle en augmentant le nombre de ses ennemis, et une atteinte à sa gloire en démentant les déclarations solonnelles faites au commencement de la Révolution; enfin, que sa politique serait plus habile en se fondant, non sur l’acquisition des territoires, mais sur l'émancipation des peuples (1). »

Certainement M. Mignet a eu sous les yeux le mémoire diplomatique que le « grand négociateur » envoya de Londres au Conseil exécutif, en la personne de Lebrun et Danton (le premier avait la minute, et le second w? double où une expédition), puisqu'il en a si admirablement résumé les points essentiels et signalé la’ portée supérieure.

Or, si un document aussi remarquable et aussi original, qui ne pouvait émaner que d'un politique du premier ordre, est arrivé sous les yeux de Danton (et cela était inévitable) antérieurement au 13 avril 1793, jour où

évité le sort des Bailly, des Chapelier, des Thouret, des Barnave, et de tant d’autres fondateurs de la liberté. »

Ce qui a pu tromper M. Mignet, c’est une lettre écrite par Talleyrand, de Londres même, au ministre Lebrun, à la date du 23 septembre 1192 (Archives des Affaires étrangères, Corr. d'Angl., T, 582), dans laquelle il se donne, en effet, en parlant au ministre, comme n'y ayant aucune mission du gouvernement.

Ce fait serait, selon nous, de la plus haute importance pour établir qu'il agissait alors auprès du cabinet anglais, principalement dans la négociation du Moër-Dyck entre lord Auckland et Dumouriez, au nom de Danton et de la Montagne, et non pas à celui de Lebrun et de la Gironde.

(1) Mignet, Notices historiques, T. 1*, p. 191. Ce discours est du #4 mai 1839,

Nous avons recherché aux archives du ministère des Affaires étrangères et nous donnons à nos pièces justificatives, n° 20, le mémoire de Talleyrand. C'est un document précieux : écrit en entier de la main de l’auteur, daté et signé, sans doute inédit.