Danton émigré : recherches sur la diplomatie de la République an 1er-1793

LA POLITIQUE DE DANTON. 181

celui-ci condamna devant l’Assemblée la guerre de propagande, il n’a pu que l’éclairer fortement et peser sur son esprit pour l’élever à l'adoption définitive de la politique de paix.

Faut-il en conclure que le diplomate fut, ici, l'inspirateur de l’homme d'Etat ?

Si l’on tient compte, d’une part, des antécédents et surtout des actes ultérieurs de Talleyrand, qui se montra toujours dépendant du fait accompli, et, plus ou moins, l'esclave de la force; et, d'autre part, si l’on considère la spontanéité et la vigueur d’un génie politique aussi primesautier que celui de Danton, qui prenait corps à corps les difficultés du présent et dont les attaches philosophiques ne remontaient guère au delà des Encyclopédistes, on sentira qu'il est très possible que la conception de la politique normale qui s’imposait alors, comme de nos jours, à la République francaise et à tout l'Occident, à l'élite humaine, ait aussi bien et même plutôt dù naître chez le second que chez le premier. (Voir la pièce justificative n° 20.)

Il est vrai que Talleyrand avait concouru à édifier et voter la Constitution de 1791, dont le titre VI, S 14, portait :

La nation française renonce à entreprendre aucune guerre dans la vue de faire des conquêtes, et n’employera jamais ses forces contre la liberté d'aucun peuple.

Mais quelle entorse ne sut-il pas donner, plus tard, lorsqu'il servit la politique de Bonaparte, et même sous le Directoire, à la droiture de ses premières aspirations ?

D'esprit élevé et richement cultivé, à vues larges, très capable d’embrasser l’ensemble du problème social et politique correspondant à son époque, — mais sans grand caractère ni fortes convictions, et d’ailleurs dénué de scrupules, — cet homme, si éminent à certains égards, avait, de nature, toutes les aptitudes du diplomate. C'était, dans le genre, un artiste consommé, un virtuose incomparable, un joueur irrésistible et passionné! Mais

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