Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870
DE L'ÉDIT DE TOLÉRANCE JUSQU A LA CHUTE DE NAPOLÉON 99
Jusqu'à 300 personnes perdirent la vie dans ces émeutes fratricides. Néanmoins le gouvernement du Roi, au moyen de mesures sévères votées par l’Assemblée, réussit à réprimer ce fanatisme d’un autre âge. Une fois que le calme fut rétabli, les Réformés de Nimes usant de la faculté que leur laissait l'Édit de 1787 et l’article VI de la déclaration des droits, ouvrirent un temple, sur le frontispisce duquel étaient inscrits ces mots: « Édifice consacré à un culte religieux par une société particulière. Paix et liberté. » Cet exemple fut suivi dans d’autres provinces, sans donner lieu à aucun trouble. Toutes ces églises réformées entretinrent leurs temples et leurs ministres à leurs frais. Ce fut un premier essai du régime de la séparation de l’Église et de l'État.
Quant aux Israélites, voici comment la Constituante régla leur situation légale. Lors de la discussion de la loi électorale, le comte de Clermont-Tonnerre, à propos d’une pétition des juifs de Metz, déclara qu’ «il fallait tout refuser aux juifs comme nation, mais tout leur accorder comme individus ». Mirabeau, Duport et Robespierre soutinrent la même thèse et le 28 janvier 1790, on accorda les droits civils aux juifs d'Avignon et de Bordeaux ; mais sur les réclamations de l’évêque de Nancy, de Rewbell et de l'abbé Maury, on ajourna toute décision relative aux juifs d'Alsace. L'année suivante (1791), quelques jours avant la séparation de l’Assemblée législative, la question fut reprise par Duport, « qui proposa au nom de la liberté des cultes qu'on accordàt aux juifs d'Alsace, comme aux autres, les droits de citoyens actifs. L'Assemblée vota la proposition" et par là se trouva complétée l'émancipation des non-catholiques, auxquels on laissait le soin de s'organiser suivant leurs traditions propres. Ces décrets de l’Assemblée constituante et de la Législative tendaient à fonder sur la vraie base la liberté des cultes en France.
Malheureusement la question de la liberté des catholiques était moins facile à résoudre, parce qu’elle se compliquait de
1. V. Th. Reixace. Histoire des Israélites, p. 318-324.