Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870
1860 À 1870 237
toutes par le nombre et la valeur de ses membres et par les ressources dont elle disposait. Au moyen de ses 1360 conférences et de son budget de 4 300 746 francs, avec ses nombreuses écoles d’apprentis, elle exerçait une grande influence sur la jeunesse des écoles et sur la classe ouvrière (1860). Aussi, lorsqu'on apprit qu’à l'assemblée générale des délégués des conférences tenue à Lusignan (22 sept. 1861) plusieurs évêques et curés avaient prononcé des allocutions belliqueuses contre la politique italienne de Napoléon I”, le ministre de l’intérieur s’émut. M. de Persigny, dans une circulaire aux préfets (11 octobre 1867T), rappela la nécessilé de faire rentrer dans les conditions de la loi les associations de bienfaisance dont l'existence n’était pas régulièrement autorisée et se permit de comparer leur activité à celle des loges maçonniques. Il les mettait en demeure de se pourvoir d’autorisations et réclamait pour l’empereur le droit de nommer le président du comité central.
Les francs-macons se soumirent et acceplèrent pour grand maître le maréchal Magnan, qui avait pris une part décisive au coup d’État du 2 décembre 1851. Mais la Société de Saint-Vincent de Paul, soutenue par les évêques, qui firent pleuvoir sur le ministre de l’intérieur et celui des cultes une grêle de lettres et de mandements, refusa d'accepter le président qu'on lui proposait, M# Donnet archevèque de Bordeaux?, et le comité central dut se dissoudre (janvier 1862).
Il ne nous semble pas qu'il y ait eu là violation de la liberté d'association, car la société était sortie du domaine spirituel pour empiéter sur la politique et le gouvernement avait su concilier le respect de la conscience avec la nécessité de l’ordre public, en lui demandant simplement de se soumettre au contrôle d’un haut dignitaire de leur culte.
1. « Nous ne devons pas craindre Judas, avait dit un orateur, mais « nous devons craindre Jésus-Christ. Et vous, vaillants soldats de Saint« Vincent-de-Paule, serrez vos bataillons; la religion est en danger de « périr el c’est vous qui avez reçu mission de la sauver! »
2. Il y eut une sorte de plébiscite : 766 votèrent contre, 88 seulement pour la mesure proposée par le ministre.