Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870

238 LA LIBERTÉ DE CONSCIENCE EN FRANCE

Pour l'honneur de l'Église catholique, il se rencontra dans son sein des hommes qui comprenaient mieux les conditions de la vraie liberté. Tel fut le P. Lacordaire, lors de sa réception à l’Académie française par M. Guizot (24 janvier 1861). On a dit, non sans une pointe de malice du discours de ce dernier qu'il avait été presque catholique, car il avait été jusqu’à défendre le pouvoir temporel du Pape”; on pourrait dire du discours de Lacordaire qu'il était imbu d'esprit protestant. Ayant à faire l'éloge d’Alexis de Tocqueville, il mit en parallèle l'Américain protestant et l'Européen démocrate et dit : « L’Américain a eu des pères qui portaient la foi jusqu’à « l'intolérance, il a oublié leur intolérance et n’a gardé « que leur foi : le démocrate européen a eu des pères qui « n'avaient point de foi, mais qui prêchaient la tolérance ; « il a oublié leur tolérance et ne s’est souvenu que de leur « incrédulité. »

Montalembert, au congrès de Malines (août 1863), flétrit les bourreaux de l’Inquisition et de la Terreur et réclama toutes les libertés, même celle de l'erreur. Son discours fut applaudi par ses amis du Correspondant, le prince Albert de Broglie, M. Augustin Cochin, le vicomte de Melun.

Dans les rangs du clergé, il faut mentionner M# Lecourtier, évêque de Montpellier, un des rares évêques qui ne s’associèrent pas à la campagne pour le pouvoir temporel ; M£' Maret, évêque non confirmé de Vannes, qui essayait par ses études sur La dignité de la raison humaine et de la nécessité de la révélation divine (1857), de faire refleurir à la Sorbonne les sciences théologiques ; M. l'abbé Perreyve, le digne disciple et ami du P. Lacordaire, et à leur tête M#° Darboy qui fit, pendant cinq années, prêcher les conférences à Notre-Dame par le P. Hyacinthe (1864-1869). L'archevèque de Paris, reprenant une coutume inslituée par ME Sibour en 1848 et qui avait cessé depuis quatorze années, présida en novembre

1. M. de Sacy : « Nous venons d'entendre un faux moine, reçu par un faux protestant. »