Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870
7h LA LIBERTÉ DE CONSCIENCE EN FRANCE
et que Dieu ne se venge point, il les développa dans ses romans de Bélisaire (1757) et des /ncas (1763). Le premier, surtout, eut une vogue extraordinaire; il la dut en grande partie à un mandement de l’archevèque de Paris et à une censure de la Sorbonne, qui y avaient relevé « trente-sept propositions impies et respirant l'hérésie ». On jugera de la valeur de ces critiques par une citation du livre : « Laissez
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« descendre la foi du ciel, elle fera des prosélytes ; mais avec « des édits on ne fera jamais que des rebelles où des fripons. « Les braves gens seront des martyrs, les lâches seront des « hypocrites, les fanatiques de tous les partis seront des « tigres déchainés. »
Si Voltaire et Marmontel nous offrent la tolérance en action, c'est dans les articles de l'Encyclopédie sur la € liberté de conscience » et sur « la tolérance » que nous en trouvons la théorie philosophique. L'auteur du premier (chevalier de Jaucourt) démontrait que ceux qui se trompent en matière de religion croient suivre la voix de leur conscience. Or c’est une injustice de persécuter quelqu'un pour motif de conscience. Romilli (fils), auteur du second, soutenait que « la religion se persuade et ne se commande pas » et que « le droit du souverain expire où règne celui de la conscience ».
S 7. — Tandis que des écrivains, de plus en plus nombreux, se prononçaient en faveur de la tolérance et de la restitution des droits civils aux protestants, que disait le clergé catholique ?
On doit avouer que, sauf un petit nombre d’exceptions, Claude Fleury et Lenain de Tillemont, historiens, les abbés Morellet et Guidi', le clergé était, en masse, partisan des mesures de rigueur contre les libres penseurs et les protestants. Jusqu'en 1745, le clergé et la Sorbonne concentrèrent toutes leurs foudres sur les écrits jansénistes ; mais, à partir du mi-
1. Îl faudrait ajouter à ces noms ceux d’Elie Dupin, docteur en théologie, des abbés Pluquet et Barthélemy, et des deux frères Bonnot de Condillac et Bonnot de Mably ; tous partageaient les idées de tolérance qui régnaient alors à l’Académie française.