Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870
DEPUIS LA MORT DE MAZARIN JIUSQU'A L'ÉDIT DE TOLÉRANCE 79
l'observation stricte des sacrements et qui mettaient les formes de la loi au-dessus même des fondements de la justice. Il y avait pourtant en eux un vif sentiment de droiture, d'intégrité morale et politique, qui leur faisait mépriser toute compromission avec les intérêts temporels ou les vices, et cela même en faisait des adversaires redoutables des Jésuites.
Le chancelier Il. d’Aguesseau nous offre le type le plus accompli de ces parlementaires de l’ancien régime, catholiques austères et convaincus, également ennemis des ultramontains et des protestants et qui, par respect servile des lois ecclésiastiques, en venaient à opprimer la conscience religieuse. S'il n'a pas, croyons-nous, inspiré la déclaration draconienne de 1724, du moins a-tl eu à l'appliquer comme chancelier et l’on sait, par sa correspondance avec les intendants, qu'il les a souvent semoncés sur leur mollesse à appliquer les édits à tout nouveau-converti qui refusait les sacrements catholiques.
Malgré tout, pourtant, sous l'influence des écrivains qui s'étaient faits les champions de la tolérance et, par l'effet de cette droiture inflexible qui était l'honneur de la magistrature française, les Parlements se relâchèrent peu à peu dans l'application rigoureuse des édits contre les Réformés et rendirent des arrêts plus conformes à l'équité qu'à la lettre des édits. Ce fut à l’occasion des procès, introduits par des collatéraux catholiques qui, en cas de dissolution d’un mariage conclu au désert, réclamaient l'héritage au détriment de la veuve ou des enfants du défunt, que la conscience des juges se réveilla. Ils ne purent souffrir de voir ces misérables couvrir leur cupidité du masque de la religion et déboutèrent les impudents demandeurs. Le Parlement de Rouen fut un des premiers à fixer dans ce sens la jurisprudence, en fait de mariages protestants. Le Parlement de Grenoble suivit l'exemple! (1766). Deux ans après, le Parlement de Paris
1. V. le plaidoyer de J, Servan, avocat audit Parlement, en faveur de Marie Robequin, femme protestante, répudiée par son mari, dont le mariage avait été fait au Désert.