Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870

DEPUIS LA MORT DE MAZARIN JUSQU'A L'ÉDIT DE TOLÉRANCE S3

ton, devenu sôn ami, l’entretint souvent de la « grande injustice française » et lui persuada qu'il ferait une œuvre digne de l'admiration de la postérité en travaillant à Pamélioration de la situation des protestants de France. On trouve un écho de ces conversations dans la correspondance de La Fayette. — « Les protestants en France, écrivait-il à Washington, le 11 mai 1785, sont soumis à un intolérable despotisme. Quoiqu'il n'y ait pas à présent de persécutions ouvertes, ils dépendent d’un caprice du Roi, de la Reine, du Parlement, ou d’un ministre. Leurs mariages ne sont pas légaux ; leurs testaments n’ont aucune force devant la loi; leurs enfants sont considérés comme bâtards et leurs personnes comme pendables. Je voudrais amener un changement dans leur situation. Pour cet objet, je vais essayer avec le consentement de Castries et d'un autre. Je tâcherai d'obtenir l’appui de M. de Vergennes et du Parlement, avec celui du garde des sceaux, qui fait fonction de chancelier ».

À peine rentré à son château de Chavagnac, le jeune capilaine partit pour Nîmes et rendit visite à Paul Rabaut, le ministre le plus considéré du Bas-Languedoc, il paraît même qu'il assista à l’un de ses prêches au Désert et qu'il en fut si touché qu'après le service, il l’embrassa avec effusion. € M. Paul » — comme on l’appelait — le mit en rapport avec son fils, Rabaut Saint-Étienne‘, alors ministre, et avec M. Poitevin, astronome de Montpellier également protestant. Ge dernier, appelé à Paris pour des travaux scientifiques, fut présenté par La Fayette à Malesherbes (10 octobre 1785).

Quelques mois après, Rabaut Saint-Étienne arrivait à son tour à Paris, éncognito, député par les Églises réformées. Présenté par La Fayette au baron de Breteuil, c'est lai qui fournit à ce dernier des documents importants pour le Mémoire sur la situation des Calvinistes en France, que ce ministre

1. Ce jeune pasteur s'élait déjà fait connaître par la publication d’Ambroise Borely où le Vieux Cévenol (Londres, 1775), et par l'éloge funèbre qu'il avait fait en public de M. Becdelièvre, évèque de Nîmes.