Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870
DEPUIS LA MORT DE MAZARIN JUSQU'A L'ÉDIT DE TOLÉRANCE 89
majorité de la vieille noblesse et par ce qui restait d’amis des Jésuites à la cour; et de l’autre, le délégué officieux des Églises protestantes, soutenu par les encyclopédistes, par l'élite des économistes et des jurisconsultes et par la majorité du Parlement de Paris. La première escarmouche avait eu lieu devant cette cour; le second engagement fut livré, contrairement aux prévisions de La Fayette, devant l’Assemblée des notables, réunie à Versailles le 22 février 1787. Le général fit, dans son bureau, une motion tendant à accorder l’état civil aux protestants français. Le comte d'Artois, qui présidait, après avoir essayé d’y opposer une fin de nonrecevoir, recueillit les avis. L'évêque de Langres, neveu de Malesherbes (plus tard cardinal de la Luzerne), prit la parole et dit : « J’appuie la demande de M. de La Fayette par « d’autres motifs que les siens : il a parlé en philosophe, je « parlerai en évêque. Et je dirai que j'aime mieux des « temples que des prèches, et des ministres que des prédi« cants ». La motion fut adoptée à l'unanimité et le comte d'Artois se chargea de la présenter au Roi sous forme de vœu : « Plaise à Sa Majesté d'accorder l’état civil aux protes« tants, afin que celte portion de ses sujets cesse de gémir « sous un régime de proscriplion, également contraire à « l'intérêt général de la population, à l’industrie nationale « et à tous les principes de la morale politique » (24 mai 1787).
Louis XVI était aussi bon que juste ; il sut résister aux sollicitations du haut clergé et de la duchesse de Noailles, bellemère de La Fayette, qui avait fait une campagne acharnée contre l'Édit. Et, suivant l'exemple de son beau-frère Joseph Il, Louis XVT accepta les propositions concordantes du Parlement et de l’Assemblée de notables, Sa religion était d’ailleurs éclairée par les avis d’un Malesherbes, d’un Breteuil, d’un Turgot et d’un Vergennes, qui plusieurs fois avaient plaidé dans ses conseils la cause de la tolérance. Le roi signa enfin l'Édit, sur la proposition du baron de Breteuil et de L. de Malesherbes, garde des sceaux. Il vint,