Journal d'un étudiant (Edmond Géraud), pendant la Révolution (1789-1793)

12 LE JOURNAL D'UN ÉTUDIANT

Palais-Royal, dit Karamsine; on y pourrait passer sa vie, la vie la plus longue, dans un enchantement perpétuel, et dire en mourant : «J'ai tout vu, tout « connu. »

Le lendemain, Edmond et Terrier visitent la place Louis XV au milieu de laquelle s'élève une statue équestre de ce roi, « mais celle-là encore ne vaut pas à beaucoup près celle qui est à Bordeaux, la posture du cheval n’est pas aussi vive, sa tête et tout son corps sont froids ainsi que le cavalier ». La place est magnifique : entourée de larges fossés, garnis sur tout leur parcours de superbes balustres de pierre, elle offre un aspect grandiose; à sa droite se trouve le jardin des Tuileries, à sa gauche les ChampsÉlysées; en face, en regardant la rue Royale, s'élèvent deux magnifiques édifices construits par Gabriel. Celui de gauche renferme les joyaux de la Couronne et est devenu un véritable palais des Mille et une Nuits : vases, bijoux, pierres précieuses, costumes, armes, armures, tapisseries, c’est un amoncellement de richesses incalculables, de splendeurs inouïes! :

« Nous allâmes voir mardi le garde-meuble, écrit

notre voyageur, l'un des établissements les plus cu-

1. Quelques années plus tard cette admirable collection allait être pillée par des bandits et les trésors qu'elle renfermait dispersés, presque tous perdus sans retour. Il faut lire dans les Joyaux de la Couronne, de M. Germain Bapst, l'émouvant récit de ce vol prodigieux.