La France sous le Consulat

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dans ses petites pièces et ses farces a de la gaieté et de la verve.

La même impuissance ou, à tout le moins, la même faiblesse créatrice frappent les œuvres d'imagination en prose, comme le roman, chez les pseudo-classiques. La critique‘, loin d’exciter romanciers et poètes à sortir de l’ornière traditionnelle et à frayer des voies nouvelles, s’emploie au contraire de tout son pouvoir à les retenir sous le joug des règles et à les emprisonner dans la sphère étroite du goût classique. L'’éloquence, sans compter l'influence énervante de ce goût timide et de l’abstraction idéologique, subit les conditions défavorables d’un régime politique où, de plus en plus, on n’entendra qu'une seule voix éclatante et souveraine : elle se réduit à des discussions d’affaires ornées et mesurées comme celles de Roederer (1754-1835), à de graves et solennelles expositions comme celles de Portalis (1745-1806), à des panégyriques ingénieux et fleuris comme ceux de Fontanes (1757-1821).

Il est juste, cependant, tout en notant la décadence de l’école classique française et son infériorité vis-à-vis de l’AIlemagne de Goethe et de Schiller, de l'Angleterre de Wordsworth et de Walter Scott, de signaler les efforts tentés par plusieurs de ces écrivains dédaignés pour renouveler les sources de l'inspiration poétique et dramatique. Ainsi, « ces rapsodes, qui rêvent de donner une épopée à la France, vont découvrir le moyen-àge et ramener au grand jour, insensiblement, la chanson de geste et le roman de la Table Ronde *. » Népomucène Lemercier (1781-1840), dans le

1. Les plus considérables sont : La Harpe (1739-1803), converti au christianisme, qui réunit dans son Cours de litléralure ancienne el moderne ses leçons du Lycée Marbeuf; Geoffroy (1743-1814) qui commence, à partir de 1800, ses feuilletons dramatiques au Journal des Débats ; le vieil abbé Morellet (1727-1819), survivant du groupe de l'Encyclopédie, adversaire du catholicisme et de l'art de Chateaubriand dans ses Observalions critiques sur le roman intilulé Atala (1801); Dussault (1769-1827) eri-

tique littéraire aux Débats, ainsi qu'Hoffmann (1760-1828) et de Féletz (1767-1850). 2. F. Brunetière, Ouvrage cité.