La mort de Louis XVII d'après la Registre-Journal du Temple : documents inédits

D'APRÈS LE REGISTRE-JOURNAL DU TEMPLE »

être opposé à un pareil témoignage, même rendu en 1817 contre les imposteurs qui commençaient à faire du bruit.

De là, l’indéniable importance de la publication de Chantelauze. Il n’y a pas à dire, avant sa découverte, le texte même de la déclaration manuscrite de Damont manquait.

Mais les historiens de Louis XVII s'étaient toujours — et fort légitimement — tenus pour certains que le plus ancien d’entre eux, Eckard, avait dû consulter les papiers, ou du moins recueillir directement les souvenirs de l’ancien commissaire civil et les noter comme sous sa dictée. Ne lisait-on pas, dans la troisième édition (1818) des Mémoires historiques sur Louis XVII : le sieur Damont, « aujourd’hui membre du bureau de bienfaisance du V® arrondissement »? Quand un auteur tel qu'Eckard est aussi bien renseigné sur les fonctions présentes d’un personnage, intéressant pour lui au premier chef, il va le voir et l’interroger. Eckard avait done, sans nul doute, ou interrogé Damont ou étudié ses manuscrits : tous les historiens sentaient cela... Aussi allons-nous voir que, fidèles aux principes de la méthode historique, tous suivaient pas à pas Eckard, le copiaient même — et avaient raison, puisque, sans avoir indiqué plus précisément sa source, Eckard — en excellent historien, lui aussi — copiait effectivement et de trop près Damont.

Rappelons-nous, en effet, les extraits donnés tout à l’heure de la déclaration du commissaire. Et lisons Eckard :

La nouvelle [de la mort] fut portée, sur-le-champ, à la Convention. La séance étant levée, le Président chargea M. Bourguignon, secrétaire du Comité de Süreté générale, de se rendre, sans délai, à la Tour!, pour s'assurer des faits, recommander de continuer le service. et de garder le secret. Le lendemain, quatre membres du même Comité se transportèrent au Temple, pour constater l'événement. Jls affecitèrent de dire et de répéter qu'il n'était d'aucune importance, et ils ordonnèrent de faire l'inhumation sans aucune cérémonie. Le sieur Damont, commissaire de service, ayant fait observer que la garde de la Tour ne laisserait point sortir la bière, sans en exiger l'ouverture, les députés décidèrent qu'à midi? les officiers et sous-officiers de cette garde, ainsi que ceux qui relèveraient le poste, seraient appelés pour vérifier la mort de l'Enfant. En effet, lorsque ces officiers furent réunis dans la chambre où le corps était exposé, le sieur Damont leur demanda s'ils reconnaissaient ce corps pour être celui du Dauphin, fils de Louis XVI. Le plus grand nombre d’entre

4 Eckard tenait certainement de Damont ce détail de la visite de Bourguignon. 2 Damont, dans sa double déposition, n'a pas dit tout à fait cela. D’ailleurs, le défilé eut-il lieu, selon Eckard « à midi », le 21 prairial ? C'est ce qu'on pourrait croire : mais, après tout, on n’en sait rien, puisque l'historien ne fixe pas plus que Damont l'heure de la visite des députés.