La Princesse de Beira et la police autrichienne
LA PRINCESSÉ BE BÉIRA ET LA POLICE AUTRICHIENNÉ 5
Vienne, 27 octobre 1838 (1), Direction Politique, n° 16
Monsieur le Comte,
C’est par l'expédition du comte d’Apponyi (2), partie de Paris le 19 de ce mois que le prince de Metternich a appris l'arrivée en Espagne de la princesse de Beïra et du fils aîné de don Carlos, J’ignore si cette anecdote a un intérêt politique; mais elle est en tous cas trop curieuse pour que je m’abstienne d’en faire un récit détaillé à Votre Excellence.
Il y a dix jours, à Venise, le prince de Metternich fut informé par le comte de Sambuy (3), du passage de la princesse de Beïra par les Etats Sardes. Il refusa de croire à cette nouvelle, alléguant avec vraisemblance que, si elle était exacte, le comte de Sedlnitzky, Ministre de la Police, ne la lui eût pas laissé ignorer. De nouveaux indices, arrivés les jours suivants, parurent d’autant plus invraisemblables qu'ils étaient démentis par une lettre que la princesse de Metternich reçut en même temps de son amie, la comtesse Lanckoronska (4).
Cette dame, connue pour l’exaltation de ses sentiments carlistes, passant par Salzbourg, n’avait pas manqué de se présenter chez la princesse de Beïra. Elle avait été reçue avec tous les témoignages de la confiance et de l’amitié par l’Infante Dona Carlotta (5), qui lui avait exprimé les regrets de sa mère, la princ:sse, lui recommandant de ne pas faire de bruit. Puis elle-même s'était approchée du lit, avait soulevé les rideaux, et,se retournant vers la porte, elle avait fait signe à Madame de Lanckoronska de ne point avancer pour ne pas troubler le sommeil de la malade. Avant de continuer sa route, Madame de Lanckoronska avait écrit à la princesse de Metternich pour la rassurer sur les suites de l’indisposi, tion de la princesse de Beïra qui, assurait-elle, n’empêchait pas toute la famille de se réjouir beaucoup de l’heureux état des affaires de don Carlos. Cette lettre ôtait toute créance aux nouvelles qui chaque jour s’accré-
(1) Archives des Affaires Etrangères. Autriche, Volume, 426, folio 45-47. Sainte-Aulaire au comte Molé.
(2) Le comte d’Apponyi (Antoine) /1782-1852) était à ce moment Ambassadeur d’Autriche à Paris où il remplit ces fonctions de 1826 à 1849. :
(3) Ministre de Sardaigne près la Cour de Vienne, le comte de Sambuy revenait, ainsi que Metternich et ses collègues du Corps Diplomatique, de Milan où l'Empereur Ferdinand s'était fait couronner Roi d'Italie.
(4) Probablement la femme du comte Antoine Lanckoronski, Conseiller intime, née com tesse Louise Rzewuska, qui mourut en 1839.
(5) Probablement un « lapsus calami ».All ne peut s’agir, comme on le verra plus loin par une dépêche de Sainte-Aulaire lui-même et par celles du comte de Sambuy, que de lInfante Marie-Amélie,