La Révolution française (1789-1815)
— 136 —
sabilité, la pleine liberté de mes appréciations philosophiques. Je l’en remercie sincèrement.
L'on a dit de Danton : il a sauvé la France, mais il a fait les massacres de septembre; par conséquent, il ne faut pas lhonorer. Je dis au contraire : il faut célébrer sa mémoire, quand même il seraif vrai qu'il eût fait les massacres de septembre, quelque déplorables que soient de tels évènements.
Il est temps de rentrer enfin dans Ja réalité historique et de sortir de ce vague sentimentalisme qui abêtit. On est allé, de nos jours, infiniment trop loin dans cette voie. On à même osé écrire que la guerre est un crime, quand il est de toute évidence, par une loi fatale de l’histoire, qu’elle a créé, et elle seule, les patries, et constitué ainsi la vie collective, source de toute civilisation. Elle a été la grande éducatrice du genre humain.
Sans doute, il viendra un jour où l'amélioration de notre nature et de notre situation ne s’accomplira que par des moyens rationnels et pacifiques, mais ce n’est pas le passé, et ce n’est pas le présent ; c'est l'idéal de l'avenir.
Outre la guerre, la violence et le sang couvrent tout le parcours de la route de l'Humanité, de Moïse jusqu'à nos jours. Les massacres des Albigeois n’ont empêché ni l'Eglise ni l’histoire d’honorer Innocent III, et l'Angleterre, malgré les massacres d'Irlande, a classé Cromwell comme le plus éminent de ses hommes d'Etat. Laissons donc les bucoliques ; je sais bien que le grand cardinal a cultivé ce genre, mais en vers et jamais en prose.
Au fond, c’est la population de la ville de Paris qui, sous le coup de l'invasion prussienne et avec la fureur qu'inspirait l'odieuse trahison des royalistes en faveur de cette invasion, a accompli les massacres de septembre. La France entière partageait, avec une ferme indignation, de tels sentiments. Voyez ce que dit Goëthe à son passage à Verdun, auretour, au 10 octobre 1792 :
« J'étais sorti pour aller voir la ville; en traversant une des rues encore dépavées, je vis une charmante jeune fille qui regardait par la fenêtre. Je demandai son nom au jeune homme qui me servait de guide: il me le dit, puis il ajouta : c’est une de celles qui ont offert des fleurs et des fruits au roi de Prusse... Toutes ces petites filles n’ont qu'à prendre