La Révolution française et ses détracteurs d'aujourd'hui
16 LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
Prenons-y garde : ce serait arriver, par fanatisme révolutionnaire, à trahir la leçon de fraternité incluse aux principes de la Révolution ellemême ; car la fraternité, ce n’est pas seulement l'amour de l'humanité présente, avec le rêve d’une humanité meilleure et plus heureuse, dans une société plus juste; c'est aussi d'aimer tout le douloureux passé humain, oui, tout l’effort de l’homme à travers les siècles vers la justice, la lumière, la beauté.
Aujourd'hui, surtout, que les sciences historiques, dont le développement et la multiplication ne seront pas le moindre honneur du dix-neuvième siècle, ont prodigieusement accru nos facultés de sympathie dans le temps et dans l’espace, en élargissant et approfondissant, d’un travail sans arrêt, les plans successifs et de plus en plus nombreux de la scène indéfinie où se joue, depuis quand déjà ? la tragédie humaine ; une fanatique étroitesse de vision a quelque chose de tout à fait pénible.
Pourtant, il y a du vrai dans la phrase de Renan : ou, plutôt, il y avait du vrai dans la pensée qui lui dicta cette phrase — et cette autre : « La vraie histoire de France commence à 89; tout ce qui précède est la lente préparation de 89... » Ily a ceci, que la Révolution, d'un certain point de vue très important, doit être regardée, non pas comme une immense rupture avec le passé, mais, au contraire, comme l’aboutissement, en quelques